24h du Mans de Charly

Charly notre cycliste de Bordeaux, timide du club était présent sur les 24h de Mans 2024. Voici sa coure de l’intérieur.

24.VIII.24, 8h07

Départ de l’Airbnb dans l’hypercentre du Mans direction le circuit Bugatti des 24 Heures du Mans.  

Le circuit Bugatti, c’est 4,23 kilomètres de goudron, dont la célèbre bosse du Dunlop qui fait 700 mètres à 3,6 %. Le reste du parcours est un quasi long faux-plat descendant, parfois sinueux, sur une asphalte de grande qualité. Pour l’occasion, j’ai sorti mon S-Works Tarmac SL5, monté avec des roues Dura-Ace C24.

Je participe aux 24H avec les Suicidal Urban Riders, un groupe de cyclistes qui tournent principalement autour de l’anneau de Longchamp, à Paris. Nous sommes l’équipe la mieux représentée avec 45 coureurs — la plus grande de l’histoire des 24H également —, répartis en solo ou en équipe de 6.  

Pour l’occasion, Red Bull a dépêché deux journalistes qui nous suivent et nous fournissent en boisson.  

Mais je n’oublie jamais FastClub pour de telles occasions, alors même si je roule avec les maillots des S.U.R — tout de noir vêtu — j’ai opté pour la gapette FastClub première génération.

Mon objectif personnel : rouler le plus vite possible et surtout tester mon rapport aux efforts de nuit et à la fatigue, car je compte bientôt m’aligner sur quelques courses d’ultradistance.

11h33

Briefing assez inaudible, mais on recueille tant bien que mal les consignes que beaucoup connaissaient déjà.

14h43

Ici retentissent les hymnes ; une tradition. Quelques exemples : celui du Burkina Faso, du Chili, de l’Irlande, et bien sûr, de la France.

15h Le départ

Pierre Rolland tire un coup de feu, et les 3000 coureurs traversent la piste pour retrouver un coéquipier qui tient leur vélo. Je suis cinquième relayeur, soit quatre relais à approximativement 19h-20h, 1h-2h, 7h-8h et 13h-14h.

15h10

Depuis les tribunes, les premiers tours de piste sont impressionnants. Beaucoup frottent pour remonter l’immense peloton. À l’arrière, des premières cassures apparaissent déjà, surtout dans le Dunlop. Des bruits commencent à courir : une grosse chute aurait scindé le peloton en deux, un coureur aurait même cassé son cadre.

15h22

La pluie, puis l’orage surtout, occupent bientôt les lieux. Pas de neutralisation de la course, mais les plus apeurés se relèveront, contribuant ainsi à l’amincissement drastique du peloton.  

Devant les boxes, là où les relais sont opérés, beaucoup crient ou interpellent vigoureusement leurs coéquipiers. Certains arrivent vite et écopent de pénalité : pas plus de 20 km/h dans la zone de relais. Les commissaires veillent au grain.  

Une de nos équipes occupe le top 6 de notre catégorie (équipe de 6, homme). Mon équipe tient le top 20.

17h29

La plupart des mecs qu’on croise à la sortie des boxes sont frigorifiés. Certes, ce n’est pas de l’ultra et il y a un minimum de confort (un sèche-cheveux), mais avec le vent et la pluie froide, ceux qui ne roulent que lorsqu’il fait beau sont marqués.

22h31

Terminé le premier relais à 20h21. 184 battements par minute de moyenne sur la première heure. 201 de fréquence cardiaque maximale. Bref, j’ai mangé la moitié de mon garde-manger. Le caisson devrait sauter d’ici peu !

Ça roulait fort au début, le sang étant presque frais.  

Les tours étant ponctués du rire sardonique du speaker : « Ahahahah — hihihihi — ohohohohoh — uhuhuhuhu » qu’on entendait partout. Il a l’air de bien s’entendre avec son collègue.

Sinon, après le premier relais, j’ai connu une belle chute d’adrénaline qui a provoqué angoisse et pensées assez négatives. J’en discutais avec Laurent Garbolino au téléphone il y a peu : comment inverser la tendance et positiver malgré la fatigue et l’effort.

Tout finit par rentrer dans l’ordre quand j’arrive à dormir tant bien que mal.  

Dehors, alors que j’ai roulé au sec pendant une heure, le temps se dégrade à nouveau.

25.VIII.24 / 00h52

Deuxième jour de course, mais seulement neuf heures se sont écoulées depuis le départ. La plupart des visages sont endormis ou éreintés, même ceux qui circulent sur la piste.  

À cet instant, on est 100e sur 619 au classement général.

Je suis censé prendre le relais à 1h15, alors je prends la potion magique — le Red Bull seulement ; il faut bien honorer le sponsor — et je grimpe sur les rouleaux pour m’échauffer.

2h53

J’ai fini mon deuxième relais. J’ai été plus rapide et ma fréquence cardiaque plus stable.  

Le plus dur, ça va être de redescendre pour dormir.

Je suis plus efficace quand je roule la nuit, ne me demandez pas pourquoi.

Autre chose : si l’unique toilette de la loge qui sert à plus de cinquante gars était une ville, elle serait jumelée à Tchernobyl.

Sur ce, bonne nuit !

05h04

Rien ne trouble le sommeil — certes léger — des coureurs au repos. Rien ? Rien, sauf le speaker qui, inspiré, entonne un chant de joyeux anniversaire en l’honneur d’un illustre inconnu.

8h40

Le réveil a sonné un peu tard (6h15) pour un relais à 7h. Des précédents relayeurs ont coupé leurs efforts un peu plus tôt et l’heure de les remplacer arrive plus tôt que prévu.  

Je m’échauffe donc en situation de course et j’ai du mal à me mettre dedans. D’ailleurs, après vingt minutes, j’ai l’impression de sortir d’un rêve.

Après ce troisième relais, un constat : le gap entre les mecs un peu cramés et les gros costauds est de plus en plus grand.  

Conséquence : beaucoup de groupes cassent dans le Dunlop et il faut être aux avant-postes. Si ça casse devant vous et qu’il vous est impossible de rentrer, vous aurez peut-être la chance, comme moi, de trouver un groupe de contre pour vous drafter.  

Risque : que d’autres cassures se produisent.

Ainsi, j’ai été pris quatre fois dans des groupes en difficulté. Je reculais souvent dans le Dunlop, malgré mes efforts pour être à l’avant. Et en haut de la bosse, un vent d’anarchie répandait quelques cyclistes ici et là, à la recherche d’une bonne roue à prendre — roues qui se font de plus en plus rares après 17 heures de course.

12h02

Service de massage gratuit par des kinés ; largement plébiscité mais efficace ! Heureusement, j’ai un bouquin (Gogol, Les Âmes mortes).

Au niveau du classement général, on tient la 110e place sur 615. L’équipe-mère est quant à elle 30e.

14h16

Casse-moteur. La perspective du dernier relais m’a permis de jeter mes dernières forces dans la bataille.  

J’ai un peu tourné de l’œil à la fin du relais ; un gars s’est précipité pour me tendre un truc à manger.

Les journalistes de Red Bull m’ont dit qu’ils avaient immortalisé le moment et que ça rendait bien ; promis, ce n’était pas calculé !

Question biomécanique, j’ai les tendons de la cheville qui n’ont pas apprécié le dernier tour à bloc. J’ai l’impression qu’une vieille tendinite de la cheville gauche se réveille. À surveiller.

On fait le point dans deux jours.

27.VIII.24 / 13h35

Les douleurs tendineuses rentrent dans l’ordre, mais je vais lever le pied cette semaine.

Presque quarante-huit heures après la fin de la course, le bilan me paraît tout à fait satisfaisant.  

L’équipe termine 122e sur 625 alors que nous comptions dans nos rangs un coureur malade et un coureur qui débutait le cyclisme il y a encore quelques mois. Tous se sont battus jusqu’au dernier kilomètre, galvanisés par la foule venue en nombre aux abords du circuit.

Personnellement, je me rends compte que je trouve une énergie et une motivation supplémentaires lorsque je roule de nuit. Ça me semble de bonne augure avant mes futurs objectifs qui tendent tous vers l’ultra-endurance. À confirmer le 19 octobre, sur une épreuve de l’Ultra Bike France dans les Pyrénées orientales ! D’ici là, place à la récupération puis à la préparation à de plus longues distances, mais à une intensité moindre. 

Charly Reyne 

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